par Patrick Martin-Genier, le mardi 10 janvier 2012

La rencontre médiatisée Merkel-Sarkozy de lundi 9 janvier était-elle nécessaire ? L'arrivée officielle de Nicolas Sarkozy dans la chancellerie hypermoderne de Berlin à proximité de l'ancien Reichstag et du Tiergarten, ou bien encore celle d'Angela Merkel dans les ors du palais de l'Elysée avec les honneurs républicains, sont devenues une habitude.


Une moindre attente

Mais lorsque les habitudes s'installent, les effets escomptés ne sont plus forcément les mêmes notamment en terme de communication. On ne s'y trompera pas cette fois-ci. Si les journalistes étaient nombreux et présents pour écouter le président français et la chancelière allemande, hier les commentaires ont été bien plus brefs et pour cause…

Voilà déjà un certain temps que le président français et la chancelière, qui se sont rencontrés de multiples fois, ne semblent plus avoir de choses importantes à se dire, en tout cas sur le fond. Les positions des uns et des autres sont archi-connues, notamment sur les voies et moyens de résoudre l'actuelle crise financière.

On sait aussi que les propositions audacieuses de Nicolas Sarkozy ont été toutes peu ou prou rejetées par la chancelière au nom d'une culture économique financière aux antipodes du colbertisme à la française, qui continue à marquer aussi bien la gauche que la droite en France.

Une taxe sur les transactions ? Oui, mais laquelle ?

La taxe Tobin en est un bon exemple. En fait de taxe Tobin, il s'agirait d'instaurer une taxe sur les transactions financières sur les opérations en bourse afin, en quelque sorte, de moraliser le capitalisme et de faire contribuer les marchés financiers aux efforts de rigueur budgétaire exigés des contribuables, des ménages voire même des entreprises. L'objectif est louable, sauf que personne n'en veut vraiment.

Si donc il s'agit d'anticiper la mise en place des dispositions d'une directive dont le délai d'application est prévu pour 2014, le risque pris par la France serait minime. Ce serait toutefois une première remarquable de voir notre pays appliquer une directive européenne par anticipation ! La France est plutôt habituée à se voir déférer devant la cour de justice de l'Union européenne pour mise en œuvre tardive ou défectueuse d'une disposition de droit européen…

S'il s'agit d'aller plus loin, cela pose problème. Certes, on saura gré au président de la République d'aller sur ce terrain de la moralisation du capitalisme financier. Mais n'est-ce pas trop tard en terme de calendrier politique et la France seule contre toute en a-t-elle les moyens ? Les Britanniques se frottent déjà les mains à la perspective de récupérer les opérateurs financiers qui n'en acceptent pas le principe. La place de Francfort aussi serait privilégiée.

Dans ces conditions, on comprend le double jeu d'Angela Merkel, malgré les beaux sourires affichés lors de chaque rencontre entre le président et la chancelière. Angela Merkel ne dispose que d'une très étroite marge de manœuvre. Les partenaires de sa coalition sont très réticents à aller sur ce terrain et la chancelière, sauf à provoquer de nouvelles élections législatives anticipées, n'a pas les moyens d'imposer sa volonté. Si celle-ci est parfois qualifiée de l'une des femmes les plus puissantes de la planète, en réalité, c'est bien le capitalisme allemand qui impose sa volonté.

Se ressourcer ou…temporiser

Dans ces conditions, on peut donc se poser la question de savoir ce que ces rencontres multiples peuvent continuer à apporter, si ce n'est encore une fois en terme de communication politique.

Mais quand un couple manque de souffle, n'est-il pas nécessaire qu'il prenne le temps de la réflexion ou qu'il se ressource ?

Si Nicolas Sarkozy, qui encore une fois, s'est tout de même bien défendu afin que la crise financière n'embrase pas toute la zone euro et mette à bas des années de construction européenne, souhaite que le nouveau traité européen instaurant le mécanisme européen de stabilité financière soit signé dès le 1er mars prochain, à supposer cette course contre la montre possible et réaliste, en tout état de cause, la ratification ne saurait intervenir avant l'été 2012. C'est dire si les enjeux sont importants voire cruciaux notamment sur le plan politique.

Les futurs dirigeants français, que Nicolas Sarkozy soit reconduit dans ses fonctions ou que François Hollande soit élu, seront ainsi liés par un traité signé quelques semaines avant l'élection et qui imposera donc l'Europe comme un sujet majeur de la campagne.

Quoi qu'il en soit, l'impression d'un couple en fin de course est palpable. Angela Merkel, tout en louant l'activisme de Nicolas Sarkozy, campe sur ses positions et ne semble pas prête, à quelques semaines de l'élection présidentielle française, à battre le fer avec Nicolas Sarkozy. Ceci au nom de la responsabilité qu'impose la crise économique et financière bien sûr, mais aussi par pur pragmatisme politique, comme si elle devait se préparait à la formation d'un nouveau couple avec l'arrivée de François Hollande à l'Elysée.

Un couple qui pourrait n'être que provisoire dans l'éventualité d'une victoire social-démocrate aux futures élections du Bundestag prévues pour 2013…


Patrick Martin-Genier est Maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris, spécialiste des questions européennes.

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